Voici une collection non exhaustive de ressources pour se faire une idée des méthodologies UX research / design, voire s’auto-former aux bases de ces disciplines. Elles sont dédiées aux étudiant·es qui me sollicitent souvent afin de découvrir la discipline (que j’enseigne à Strate Ecole de Design Lyon) ou d’approfondir leurs bases théoriques.
Grands principes
Disclaimer : cette description des grands principes du design d’interaction n’engage que moi et ma pratique ! Elle n’a aucune valeur d’autorité et ne représente que ma vision théorique et pratique.
Le design d’interaction s’attèle à :
- cadrer la problématique de design,
- réunir des données documentaires venant nourrir la problématique,
- établir une revue de l’existant (produits, patterns interactifs existants, habitudes d’usage des personnes, etc.)
- étudier le terrain à travers la conception d’un plan d’étude des usages :
- rencontrer les usagers et usagères à travers des entretiens ou de l’observation de leurs usages pratiques, qu’elles utilisent un service existant sur lequel on intervient ou, si le dispositif interactif n’est pas encore conçu, qui ont des usages et des besoins similaires,
- effectuer des observations de terrain : lieux, parcours d’usages des personnes dans le lieu, problématiques d’usages à noter, stratégies de compensation des problématiques que trouvent les usagères, etc.
- concevoir des enquêtes, des ateliers (focus groups axés sur les usages, diary studies, sondes culturelles, etc.), des questionnaires, etc.
- transmettre les données issues de l’enquête de terrain dans des outils de pilotage (persona, experience maps, service blueprints, empathy maps, etc.) (j’y reviendrai)
- à partir de la problématique initiale, de la recherche documentaire, de l’étude de l’existant et de l’enquête de terrain, affiner la problématique et imaginer des hypothèses de solutions possibles,
- prioriser les hypothèses par rapport aux usages existants pour s’assurer que le dispositif interactif final corresponde au mieux aux besoins des usagères,
- prototyper le dispositif interactif,
- le faire tester à des usagères et le corriger si besoin,
- concevoir le dispositif final avant livraison.
Toutes ces tâches sont élégamment résumées et organisées dans ce diagramme en quadruple diamant proposé par le Co-Design Lab intégré à la ville d’Auckland en Nouvelle Zélande :

J’aime parler de « dispositif interactif » car dans la majorité des cas, un projet de design d’interaction ne se limite pas à une interface numérique ou un simple objet ou espace. Il comprend diverses facettes et se complète souvent par d’autres artéfacts qui permettent de l’intégrer pleinement à la réalité du monde et des usages des personnes ciblées, et surtout de l’intégrer dans le système socio-technique.
Un dispositif interactif peut comprendre un artéfact principal (exemple : un site communautaire) qui sera entouré d’autres objets complémentaires (des événements, un mode d’emploi, un manifeste, un zine, des éléments de print (affiches, flyers), une intégration à de l’existant comme le système bancaire ou les infrastructures de transport public, des partenariats avec des organisations / institutions / marques existantes). Cela donne une profondeur au dispositif final et renforce son efficacité et sa cohérence. La citation qui décrit bien ce principe est « Nothing happens in a vacuum » : le vide n’existe pas et nous opérons forcément dans une société qui comporte des codes, des habitudes, des usages subis ou choisis, des infrastructures, des règles auxquelles se conformer, comme la législation par exemple. Toute plateforme numérique doit se conformer à la loi sur les données personnelles (RGPD) et à des standards d’accessibilité.
Mathias Morizot, étudiant en design d’interaction à Strate, m’a proposé cette vidéo introductive en anglais qui décrit les bases du design d’interaction :
Méthodologies
Enquêter : l’UX research
À la croisée entre les sciences humaines et sociales et le design, la phase d’UX Research (dans laquelle je me suis spécialisée) permet de compléter, voire remettre en question la problématique / commande initiale grâce à des données scientifiques, des usages existants et des informations issues du terrain pour poser les bases de la conception à venir.
Restituer l’enquête
Les données issues des différentes phases de recherche et d’étude des usages sont généralement résumées dans des matrices et des supports qui permettent non seulement de nous aider, nous designers, à concevoir des solutions plus adaptées, mais aussi d’assurer ce qu’on appelle la passation aux commanditaires, c’est à dire la livraison des informations collectées. Ces supports aident également à prendre des décisions stratégiques avec les commanditaires. Ils ancrent les observations de terrain dans une réalité qui manque cruellement à nombre de projets de design qui finissent par être hors-sol par rapport à la réalité des futur·es usager·es.
Il existe un nombre de supports, en voici quelques uns :
Les personas et ethno-types
On construit ces artéfacts sur la base des données recueillies sur le terrain. Ils représentent des stéréotypes vraisemblables des différentes typologies d’usagers et usagères observées. Focalisés sur les usages et les modèles mentaux, ils diffèrent des persona marketing.
Je vous mets à disposition le modèle que j’ai conçu et que j’utilise avec mes étudiant·es à Strate :
Cartographier l’expérience des usagers et usagères
Cet outil permet de dessiner des parcours-types qui clarifient non seulement les phases par lesquelles ces derniers passeront dans l’utilisation de votre service, mais aussi les points de contact avec vos dispositifs et les problématiques à résoudre en fonction. Cet article par Antoine Pezé complet présente bien le support et donnes des exemples concrets :
Évaluer la qualité d’une interface interactive
Il existe des dizaines de méthodes qui permettent d’évaluer qualitativement et quantitativement la performance d’une interface numérique utilisable ou pas.
En français, les 8 principes heuristiques de Christian Bastien et Dominique Scapin sont utiles pour évaluer qualitativement l’utilisabilité d’une interface :
En anglais, les 10 principes heuristiques de Don Norman et Jacob Nielsen permettent le même type d’évaluation d’utilisabilité. Je vous propose également une feuille Google Sheets avec le détail des critères et 3 questions complémentaires que vous pouvez dupliquer et utiliser pour évaluer vos interfaces.
Livres et conférences indispensables
UX Research en français
- Pour apprendre les bases des méthodes d’UX research, l’ouvrage de Carine Lallemand « Méthodes de design UX » reste une référence incontournable.
- Pour compléter la lecture de cet ouvrage, vous pouvez regarder la conférence « Guérilla UX : « quick » mais pas « dirty » de Carine à BlendWebMix 2018 :
- La conférence de Jean-Christophe Paris complètera cette vision grâce à un excellent tour d’horizon de l’étude des usages et des modèles mentaux et leur application en design d’interaction :
UX research en anglais
Stéphanie Walter propose une présentation très pédagogique sur ce qu’est l’UX research et l’UX design. À consulter sans modération :
Le livre d’Erika Hall « Just Enough Research » propose un guide qui permet de « poser de meilleures questions et de considérer les réponses avec le bon angle de critique ».
Andrew Travers propose « Interviewing for research », un petit ouvrage très accessible sur l’art d’interviewer des usagers. Une petite bible à garder dans un coin, disponible gratuitement en ebook et en PDF :
Cette vidéo par David Travis vise à nous aider à rédiger des questions d’interviews et de questionnaires « parfaites » :
Prototyper des interfaces numériques
Le prototypage sur papier fonctionne très bien, surtout en première intention. Ne limitez pas votre créativité aux outils numériques ! Ils préfigurent un peu trop souvent les résultats de nos réflexions.
Il existe néanmoins différents logiciels et plateformes qui permettent de mettre les prototypes d’interfaces « au propre » et créer ensuite des prototypes fonctionnels grâce à l’ajout d’interactions dans les interfaces.
Figma reste la référence, même si son alternative libre et open-source Penpot s’améliore de jour en jour.
Pour ma part, j’utilise la suite Affinity by Serif, notamment Affinity Designer, ainsi que le logiciel Sketch (aux fonctionnalités similaires, avec l’avantage d’être installable localement et utilisable sans connexion web, mais uniquement sur MacOS), couplé avec Zeplin pour faire le lien entre mes prototypes / maquettes et mes confrères / consœurs développeuses et intégratrices.
Il existe un grand nombre de ressources et de tutoriels sur Youtube et d’autres plateformes vidéos, parfois postées par les concepteur·ices des logiciels, pour que vous puissiez apprendre à votre rythme.
Je recommande de vous entraîner à reproduire une interface existante dans l’un de ces logiciels pour apprendre à les maîtriser.