Sous la direction d’Emmanuel Bonnet (ESC Clermont, Origens Media Lab), j’ai préparé et orchestré une application du processus de design sprint adapté à un contexte pédagogique. Pendant cinq jours intenses, 150 élèves se sont confronté·es à l’esprit low-tech pour expérimenter une vision de leur ville à horizon 2040.
L’idée originelle est née dans le cerveau bouillonnant de Fabrice Liut : adapter la méthodologie de Jake Knapp et son équipe, le design sprint, à un contexte pédagogique, pour plonger des élèves d’école de business / management dans un contexte tout nouveau et leur permettre d’expérimenter les méthodes de design sur des projets concrets.
C’est avec plaisir que j’ai relevé le défi d’adapter le principe du design sprint pédagogique à une toute autre échelle : 150 élèves, 5 jours, une thématique directrice, une équipe de six facilitateurs et facilitatrices. Emmanuel Bonnet n’en est pas à son coup d’essai pour ce qui est de sérieusement secouer les méthodes de transmission dans les écoles, avec l’aide de ses compères Alexandre Monnin et Diego Landivar. Nous avons donc préparé ce sprint en lui donnant une orientation qui colle aux recherches actuellement en cours au sein d’Origens Media Lab : l’Anthropocène comme nouveau sol, et la philosophie low-tech comme outil de redirection écologique.
Nous avons proposé aux élèves un petit exercice de design fiction : « Nous sommes en 2040. Clermont Ferrand célèbre les 20 ans de la promulgation de la loi « Urgence Climatique » par le gouvernement français le 3 octobre 2020 après cinq vagues de chaleur mortelles durant l’été. Clermont, véritable fer de lance à l’échelle nationale, a tout de suite pris des mesures inédites pour devenir la première ville labellisée low-tech de France. Notre mission cette semaine est d’imaginer par quels moyens, lois, mesures, techniques, décisions, inventions, révolutions, changements, Clermont Ferrand a pu opérer ce virage à grande échelle et devenir une ville résiliente, prospère, circulaire tout en préservant la dignité de ses populations (humaine et animale) ». Situer la problématique était important pour nous, afin de nous assurer que les élèves aient un périmètre délimité à explorer.
Dans les contraintes à respecter, les dernières conclusions du rapport du GIEC, les grands piliers de la philosophie low-tech (utilité, accessibilité, durabilité) et huit domaines concrets dans lesquels choisir d’expérimenter : énergie, santé, habitat, alimentation, eau, numérique et savoirs, mobilité, modes de vie.
Pendant cinq jours, les 21 groupes d’étudiant·es ont suivi le processus de divergence / convergence pour problématiser la thématique choisie à l’échelle de Clermont, explorer l’existant, questionner le statu-quo et élaborer une solution qui fut ensuite rendue sous forme de prototype durant la journée du jeudi pour être testée sur des personnes le vendredi.
Merci à Damien Caillard et Le Connecteur pour ce reportage détaillé sur la semaine !
Bilan de l’expérience pédagogique
L’expérimentation via les méthodologies de design est pour moi redoutable. De nombreux·ses élèves ont exprimé leur satisfaction vis-à-vis de la méthode, mais surtout ont témoigné des changements qu’ils et elles ont pu vivre individuellement et collectivement, dans leur façon de collaborer et dans leur façon d’observer le monde pour en tirer des conclusions. Expérimenter en direct les processus de conception centrée usages et pouvoir immédiatement collecter des résultats qui enrichissent la démarche permettent de semer des graines importantes dans les esprits de ces étudiant·es qui seront sur le « marché du travail » sous peu. Des graines qui vont, je l’espère, leur permettre de remettre en question l’état des choses et les soutenir dans des démarches différentes, plus adaptées aux challenges que l’Anthropocène nous impose.