De juin 2024 à janvier 2025, nous avons travaillé en co-design avec Le Damier pour alimenter la première saison de leur programme prospectif, « Déjà Demain », sur le thème de ce que la transition écologique fait aux métiers de la création et de la culture.
Créé en 2011, Le Damier est un cluster d’entreprises culturelles et créatives rassemblant plus de 75 adhérents qui génèrent une activité sur le territoire auvergnat.
Son équipe accompagne chaque année plus de 40 porteurs et porteuses de projets dans le cadre de ses dispositifs d’accompagnement à la création d’entreprises. C’est Le Damier qui est également à l’origine de la Fresque de la Culture.
Dans le cadre de ses différents programmes, Le Damier a souhaité mobiliser des acteurs et actrices des ICC afin d’imaginer ce que la transition écologique, sujet éminemment critique dans le secteur, fait et fera aux métiers créatifs et culturels sous toutes leurs formes. Le programme « Déjà Demain » est né de ce souhait et c’est à cette occasion qu’avec Emmanuel Bonnet, nous les avons aidés à démarrer la première saison de « Déjà Demain » en juin 2024 à Clermont-Ferrand, lors d’un atelier de présentation de la démarche.
L’équipe du Damier avait une première idée du rythme à donner à cette première saison de « Déjà Demain » sur une temporalité de six mois avec une restitution publique en fin de saison.
Mon apport a principalement consisté en la conception du contenu des ateliers et de leur animation, en fonction de l’objectif que nous nous étions donné : explorer ce que fait la transition écologique aux métiers des ICC. Le défi principal était de concevoir une série d’ateliers cohérents dans leur enchaînement, tout en évitant de préfigurer un résultat. L’équipe du Damier m’a fait confiance pour imaginer des formats qui nous ont permis de lier les personnes du groupe autour de troubles et de concernements partagés, d’apprendre de chaque atelier, en équilibrant entre ce qui était prévu et la possibilité de laisser émerger ce qui tentait d’émerger.
Quelques cartes choc ressorties de l’atelier dédié
La démarche de design apporte une agilité d’esprit qui permet d’enchaîner les phases de divergence et de convergence : on enchaîne des moments d’exploration et des moments de conception dans un rythme plus ou moins rapide. En matière de méthodes et d’outils, j’ai également mobilisé des concepts que nous utilisons dans la redirection écologique (Bonnet, Landivar, Monnin). Nous avons donc évoqué les notions de troubles ressentis par les participant·es dans leurs métiers et leurs structures, nous avons identifié et décrit des communautés d’intérêt (groupement de personnes aux métiers différents ou transverse mais reliées par leurs vécus, troubles, revendications partagées). J’ai également mobilisé des outils prospectifs comme l’idéation autour de chocs tendanciels déjà présents ou en train d’émerger, qui nous ont permis de générer des « cartes choc » mobilisables par la suite dans des ateliers au sein des différentes structures, le tout pour aider les personnes, dans les lieux de décision jusque sur le terrain, à imaginer des scénarios d’amélioration de leur robustesse afin de pouvoir faire face à l’incertitude en produisant moins de souffrance humaine et non-humaine.
Le dernier atelier a amené le groupe prospectif vers une mise en pratique de tous les enseignements accumulés lors des précédentes sessions : chaque acteur et actrice du programme a pu générer de véritables scénarios prospectifs mobilisant des dispositifs et outils imaginés et/ou existants, ancrés dans le système socio-technique existant tout en prenant en compte les besoins, troubles et revendications des communautés d’intérêt qu’ils et elles représentaient.
« Quand nous devons effectuer un achat pour notre structure, les règles sont telles que nous n’avons même pas la possibilité de favoriser des fournisseurs locaux, au nom de la mise en concurrence. Quand nous voulons faire des achats plus vertueux, ça ne rentre pas dans les cases du système, à notre plus grand dépit. »
Une participante de « Déjà Demain » lors de la conception des communautés d’intérêt « Acheteurs Responsables »
Quelques communautés d’intérêt identifiées par les participant·es
Je suis toujours fascinée de voir un groupe de personnes se relier pour réfléchir et imaginer ensemble, en tissant au passage des liens inattendus entre elles et entre des sujets qu’elles n’auraient jamais imaginés être si proches. Ce n’est pas une surprise pour moi, mais plutôt une confirmation que l’intelligence collective nous confère une puissance d’être et d’agir. Cette mission dans les Industries Créatives et Culturelles m’a permis de détecter les particularités de ce secteur : les acteurs et actrices des ICC étant quotidiennement confrontées à l’incertitude, l’imprévu et le changement, ont cette capacité d’être bien plus à l’aise avec l’idée du trouble que, par exemple, des secteurs comme l’industrie ou les services numériques où la stabilité est indispensable à la manière de penser le secteur.
Quant aux découvertes, j’ai adoré voir le résultat d’un exercice de projection donné aux participant·es qui leur proposait de rédiger leur fiche de poste en 2050, illustrant les changements, suppressions, additions et transformations de leurs métiers. Artiste-boulanger·e, directrice de structures mouvantes, animateur·ices de tiers-lieux mobiles… de quoi rêver à un monde différent. Quant au résultat de l’expérimentation, il est toujours différent de ce qu’on aurait pu imaginer au départ. C’est tout à fait normal, et c’est même le but de la démarche design : mettre en place un cadre suffisamment flexible pour que ce que le groupe imagine puisse émerger librement. C’est donc toujours un plaisir de découvrir à mesure ce qui ressort en réponse à nos propositions d’exercices.
Ces ateliers et ces échanges vont venir enrichir ma pratique de designer au delà de cette collaboration fructueuse avec Le Damier. Forte d’une meilleure connaissance des troubles, des ambitions et des espoirs des acteurs et actrices des ICC, je vais pouvoir enrichir en continu mes missions de conseil, de conception et d’animation d’ateliers.